Lorsque Raiponce s’est fait couper les cheveux j’ai emballé Bernadette pour la première fois. J’avais envie que le film ne finisse jamais et que l’on reste tous les deux enlacés à machouiller du pop corn. Mais à trop vouloir suspendre le temps sur des baisers, la pellicule finit par s’emballer. On a beau essayer de la retenir, cette foutue bobine continue toujours de tourner. Quand j’ai compris ça, il y a eu comme un bruit de déchirure et l’écran est devenu tout noir. Le temps de rallumer les lumières et Bernadette avait disparue.

Depuis tout petit, les films de Walt me suivent dans chaque étape importante de ma vie. Oui, j’aime bien l’appeler par son prénom, faut dire nous sommes presque devenu des intimes. On a même fêté mon anniversaire de sept ans en allant voir Hercule au cinéma. Je suis sorti de la salle, je me prenais pour un demi-dieu ; de zéro en héros, c’était mon nouveau mojo ! Je faisais des parcours du combattant pour sauver des jolies poupées en détresse. Je sautais à travers des cerceaux de feu que ma petite sœur tenait à bout de bras en soufflant pour imiter le crépitement des flammes ! Et puis, Tarzan est sorti au cinéma. Je suis sorti de la salle, je me prenais pour un animal sauvage. Je grimpais aux murs, je m’entraînais à rugir sous la douche et je refusais d’utiliser le shampoing anti-poux. Non ! Fallait faire ça à la main, comme la maman de Tarzan ! Et puis, Mulan est sorti au cinéma. Mais, bizarrement, j’ai préféré attendre la sortie en DVD pour le regarder.

Tout petit, il y avait à chaque fois deux mots qui m’intriguaient à la fin des Disney ; Papa ça veut dire quoi « Thé Endeu » ? Il comprenait pas. Du coup je rembobinais la cassette pour qu’il visualise la phrase.« Ahh ! Zi End », ça veut dire que c’est fini, et que c’est l’heure d’aller au lit. « Et qu’il faut se laver les dents ! » (Merci Maman). D’abord incrédule face à la richesse de la syntaxe anglaise. J’ai vite compris que l’on se foutait de ma gueule. Comment est ce que ça pouvait finir alors que Bambi venait d’être papa ? Alors que Dumbo venait de retrouver sa maman ? Alors que Mowgli était sur le point de rouler sa première pelle ?! Comme Caliméro j’ai crié à mes parents : C’est trop injuste ! J’ai dit la même chose à Bernadette. C’est trop injuste ! Et puis j’ai pas envie d’aller au lit et j’irai pas me laver les dents ! C’est pas ça qui l’a empêché de partir. Déjà que j’ai du mal avec les histoires qui finissent bien, alors quand ça se termine mal je vous laisse imaginer.

J’ai pas pu m’empêcher de rembobiner pour revivre tous les beaux moments de notre histoire: la fois où l’on a partagé un plat de spaghetti bolognaise dans un restaurant italien, la fois où l’on a joué du jazz sous un toit parisien avec des musiciens « qui joue la guitare à la main» (merci Jo Dassin) et la fois où, les yeux dans les yeux, on a partagé un rêve bleu jusqu’au petit matin. Repenser au passé ça m’aide à croire que ça ira mieux demain. Avec un peu de chance Bernadette aura peut être envie de voir le prochain Disney. Comme dit le vieil arbre dans Pocahontas: faut pas se laisser abattre!