Quoi et pourquoi essayer? Cette question demande un « choix » très personnel, à savoir si oui ou non l’essai va dans le sens du chemin que l’on suit. On ne peut pas forcer quelqu’un à essayer quelque chose. Non, ce choix va dépendre uniquement de lui.

« Essaye-je? » est une question apparemment simple et binaire (« c’est oui ou c’est non?! »), mais elle s’inscrit dans le temps particulier de l’indécision, de l’étrange et indéfinie période qui précède la décision. « Essaye-je? » a donc une valeur répétitive et mouvante, presque lancinante. Prenons l’exemple d’un saut de falaise de 15m, que je refuse de tenter. Trois ans et quelques plongeons de 10m plus tard, je reviens au même saut. Essaierai-je plus aisément ? Très probablement. D’autant plus que le concept d’essayer est rarement vécu en solitaire, mais est souvent porté par l’énergie d’un groupe, d’une unité en mouvement. Les projets sont dressés selon la mouvance de ce microcosme, et chacun à son échelle se retrouve face au même choix. Deux de mes potes ont déjà sauté; et moi, je saute ?

De fait, l’essai, dans sa forme, est assez peu personnel. Mais l’enjeu est vécu intimement différemment en chacun, et le mimétisme est finalement assez peu « probant ». Essayer doit être porté par un désir interne, un élan relatif à son chemin et non pas celui du voisin. Se comparer ne peut donc que peu enrichir sa motivation, ou n’apporte pas directement les bonnes raisons.

Essayer, c’est croire que la tentative a de la valeur. En tout cas plus de valeur que l’absence de tentative. Et ceci, sans a priori sur la réussite éventuelle du projet entrepris! Pour reprendre l’exemple du saut, quelle valeur gagne-t-on à entreprendre ce saut ?

Bien sur, confiance et sérénité sont nécessaires pour essayer. Mais aucun doute n’est possible, le « soi » résistera à l’éventuel échec aussi bien qu’à une réussite inespérée. Nous sommes bien vieux maintenant pour croire aux révolutions, au « tout sera différent »… Essayer, c’est juste un premier pas, un chemin testé.

Pour certaines personnes, essayer est très facile. Ceux-ci ne placent rien dans la balance qui pourrait les en empêcher. La peur est méprisée, les risques écartés… Pour autant, cette démarche me déstabilise, car la valeur de l’essai n’est alors plus la même. Ils ne jaugent pas leur niveau d’envie à la source puisqu’ils sont portés par l’étrange loi du « quand faut essayer, faut essayer ». Le résultat lui-même perd de sa valeur; « non, j’ai testé, je te jure c’était pas ouf, ça l’a pas fait ». Comment, avec une telle démarche, être capable de persévérer ? Non, je crois bien que Mr. F. avait raison « la peur est souvent proportionnelle a l’envie ».

Et ce n’est pas tant ce que tu essaies qui te caractérise, car encore une fois, l’essai est dans sa forme souvent identique pour d’autres. Non, ce qui est intime et réellement signifiant, c’est l’élan qui te porte, les craintes qui t’habitent, ce qui a fait « pencher » la balance, la force de l’hésitation, et l’objectif que tu discernes dans le fait d’accomplir (éventuellement avec succès) l’essai…

J’aime beaucoup la citation « ne pas avoir d’autre choix que se rendre, c’est déjà se rendre », parce qu’elle suggère que l’élan intérieur (je considère que c’est mon ultime choix) détermine souvent le chemin sur lequel on se positionne (je me rends). C’est bien la même idée avec le concept d’essayer, et l’on pourrait dire « essayer de changer, c’est déjà changer ». Parce que l’essai, même infructueux, bâtit un chemin vers mille nouvelles possibilités. Cela peut ne rester qu’un petit pas, mais c’est le premier, le plus difficile, sur la voie de l’inconnu et de la nouveauté. C’est l’inclinaison indispensable de l’âme, l’envie, la foi, le besoin presque d’avancer vers quelque chose d’autre. De pas tourner en rond. Et de grandir. A grandes foulées.

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